La deuxième édition du Congrès international annuel d’AVACI – Confédération internationale d’auteurs audiovisuels – s’est tenue les 17, 18 et 19 mai derniers à l’hôtel Novotel Ambassador de Séoul, en Corée du Sud. Le syndicat coréen de réalisateurs (DGK – Directors Guild of Korea) était la société hôte de l’événement, qui a réuni des réalisateurs, des scénaristes, des techniciens et des producteurs audiovisuels du monde entier, ainsi que des membres du pouvoir législatif et des avocats spécialisés en droit d’auteur. Ont également participé au congrès des cinéastes reconnus comme, entre autres, Park Chan-Wook, Bong Joon Ho et Hirokazu Koreeda. Les échanges ont été traduits simultanément en anglais, français, espagnol, portugais, coréen et russe par le biais de la plateforme Zoom. En 2021, du fait des restrictions liées à la pandémie, la première édition du Congrès d’AVACI avait dû se tenir de manière virtuelle. Cette seconde édition revêtait donc un caractère historique, car il s’agissait de la première réunion présentielle d’une confédération internationale d’auteurs audiovisuels ayant pour objectif de faire reconnaître leurs droits d’auteur.
Ont participé a cette rencontre unique qu’a constitué le congrès des représentants des sociétés et fédérations des cinq continents.
C’est Horacio Maldonado, secrétaire général de FESAAL, membre fondateur et coordinateur du Comité exécutif d’AVACI, qui a assuré l’ouverture de l’événement : il a déclaré que « la possibilité d’accéder au droit à rémunération pour la diffusion des œuvres change la vie des créateurs » et qu’« une société de gestion collective peut leur être très bénéfique et constituer un soutien important dans la pratique de leur profession ». Klemen Dvornik, président d’AIPA (Slovénie) a également souligné en guise de présentation qu’il était « très important que les auteurs du monde entier ne soient pas discriminés en tant qu’auteurs du fait de leur pays d’origine. Nous essaierons au cours des jours qui viennent de nous écouter et de trouver des solutions », a-t-il ajouté. Kyudong Min, président de DGK, a remercié les participants au congrès pour leur présence et a expliqué : « nous, les auteurs coréens, nous sentons seuls car nous ne sommes pas protégés par un système qui devrait pourtant le faire ». Mais il a ensuite souligné que le soutien apporté par le congrès « peut faire passer le message que les scénaristes et réalisateurs de Corée ne sont pas seuls ». Yoon Jung Lee, vice-présidente de DGK, a remercié AVACI pour son soutien dans la réalisation du congrès dans sa ville, et a indiqué que « nous aurons besoin d’encore plus de soutien de votre part pour que le mouvement initié en Corée aboutisse ».
Au cours de la première journée a été projetée une vidéo envoyée par Yoo Jungju, membre de la 21e Assemblée nationale de Corée du Sud. Elle y parle du succès international que rencontrent actuellement les productions audiovisuelles de son pays. « Cela a été rendu possible grâce aux efforts, au travail et au dévouement de nombreux auteurs audiovisuels de Corée », a-t-elle déclaré. Elle a également annoncé la présentation récente d’un projet de loi visant à protéger les droits des créateurs audiovisuels coréens : « il est très important de protéger et de rémunérer nos auteurs », a-t-elle dit. Elle a également fait part de l’intention de « créer un système de rémunération équitable en Corée ».
Woo Chul Lee, réalisateur coréen et membre du Conseil exécutif de DGK, a présenté l’historique et la situation actuelle de l’industrie audiovisuelle de son pays. Il a été fait lecture d’une déclaration cosignée par AVACI, DGK et SGK – le syndicat des scénaristes de Corée – dans laquelle les différentes organisations demandent au gouvernement et à l’Assemblée nationale de protéger les créateurs audiovisuels grâce à un système de rémunération juste. Yong Min Lee, avocat et représentant de l’étude juridique Yulchon, a fait une présentation portant sur l’état actuel du droit d’auteur dans son pays.
Adriana Saldarriaga, conseillère juridique de DASC et REDES Colombie et membre du Comité juridique et technique d’AVACI, a conseillé à la Corée de suivre les étapes de l’expérience colombienne de la loi pour le droit à rémunération Pepe Sánchez. Elle a expliqué que, dans son pays, la loi prévoit que « les auteurs conservent un droit à rémunération inaliénable, imprescriptible, non négociable, qui doit être payé par ceux qui exploitent économiquement l’œuvre ». Horacio Maldonado a déclaré : « ce que nous disons ici, c’est que nous avons besoin d’une loi sur le droit à rémunération dans le territoire de Corée. Et nous sommes présents ici pour apporter un soutien international à cette loi ».
Luis Mangiavillano, membre du Comité juridique et technique d’AVACI et avocat spécialisé en droit d’auteur, a expliqué le fonctionnement du système territorial de droits à rémunération, dans lequel chaque pays encaisse des droits pour tout contenu audiovisuel provenant d’un autre pays qui est transmis et exploité sur son territoire. Mario Mitrotti, président de DASC Colombie, a envoyé un message vidéo dans lequel il a déclaré : « nous voulons souhaiter la bienvenue aux réalisateurs et scénaristes coréens pour qu’ils se battent pour obtenir leurs droits d’auteur. Bienvenue dans AVACI ».
Alexandra Cardona Restrepo, membre du Comité exécutif d’AVACI et présidente de REDES Colombie, a félicité « les collègues réalisateurs et scénaristes du secteur audiovisuel coréen qui promeuvent la création d’une société de gestion collective » et a déclaré qu’« ils sont sur le point de franchir une étape très importante en ce qui concerne la signification du droit d’auteur en Corée ». Elle a estimé que « l’existence d’une société de gestion qui travaille à partir des créateurs et pour eux change la vie des auteurs » et que cela « a un impact positif sur le développement social d’un pays ». Elle a ensuite présenté un document audiovisuel sur la constitution de REDES en tant que société de gestion collective et l’obtention de la loi Pepe Sánchez qui a suivi. « J’espère que cela servira d’encouragement et constituera un argument de poids pour poursuivre le combat afin que nous percevions une rémunération équitable pour la diffusion de nos œuvres », a-t-elle ajouté.
Laza Razanajatovo, réalisateur originaire de Madagascar et président de l’alliance panafricaine APASER, a fait part de la situation des droits des auteurs audiovisuels en Afrique, des débuts de sa société et de son projet de la transformer en fédération, ainsi que de son travail de restauration de films africains en collaboration avec le réalisateur Martin Scorsese. Yoon Jung Lee a présenté la campagne de DGK pour une juste rémunération des auteurs audiovisuels coréens. « Nous avons besoin d’une politique culturelle qui puisse protéger les droits des créateurs », a-t-il déclaré.
Le scénariste et président de SGK – Screenwriters Guild of Korea, Kim Byung-in, a expliqué le fonctionnement des organisations d’auteurs audiovisuels coréennes et le travail qu’elles ont réalisé récemment, ainsi que les différences avec les résultats obtenus par la société de musiciens de son pays et leurs possibilités de se constituer en société de gestion collective. Il a également mentionné l’expérience de Squid Game, la série la plus vue de l’histoire de la plateforme Netflix, dont les créateurs n’ont pas perçu une rémunération à la hauteur de sa diffusion. « Netflix ne rémunère pas les réalisateurs des films, et c’est un sujet qui est débattu depuis des années », a-t-il déclaré.
Hrvoje Hribar, directeur général de DHFR (Croatie), a parlé de l’approche des sociétés européennes par rapport aux grandes plateformes de streaming et de la difficulté de « faire en sorte qu’[elles] respectent notre droit à percevoir une rémunération sur ce terrain très abstrait qu’est l’Internet ». Anja Unger, réalisatrice et membre de LA SCAM (France), a a estimé que « la défense des droits d’auteurs est un combat permanent ».
Janine Lorente, consultante indépendante spécialisée en droit d’auteur audiovisuel, a présenté un document sur l’importance de faire en sorte que les droits des réalisateurs et scénaristes soient protégés, et ce, dans le cadre d’une législation. Selon elle, « les réalisateurs et scénaristes cèdent généralement leurs droits aux maisons de production un peu partout dans le monde et il est très difficile pour eux d’obtenir que leurs droits soient retenus pour qu’ils puissent toucher des redevances ou un type de rémunération après la production de l’œuvre cinématographique. » Elle a expliqué en s’appuyant sur le document le lien entre l’existence d’un cadre législatif et le paiement des auteurs.
En ce qui concerne la situation actuelle du droit d’auteur en Amérique latine, Germán Gutiérrez, avocat et membre du Comité juridique et technique d’AVACI, a évoqué les succès récents au Chili, en Colombie, en Uruguay et en Argentine, ainsi que la perception récente en Argentine de droits d’auteur correspondant aux contenus diffusés par les plateformes audiovisuelles. « Nous sommes bien positionnés par rapport à cette réalité », a-t-il déclaré. Il a également mentionné le collectif Espacio Audiovisual Nacional et le travail qu’il mène actuellement pour obtenir une nouvelle loi sur le cinéma en Argentine. Sylvia Palma, secrétaire générale de GEDAR et membre du Comité exécutif d’AVACI, a fait une rétrospective de l’histoire de GEDAR et de sa constitution comme société de gestion collective et fait part de la situation actuelle concernant les plateformes de streaming : « sans droit de compensation, le scénariste est rémunéré lorsqu’il livre le travail au producteur et il n’existe ensuite plus aucun lien entre ce travail et lui. Il n’a pas de droit supplémentaire », a-t-elle expliqué. Sylvio Back, secrétaire général de DBCA et membre du Comité exécutif d’AVACI, s’est réjoui de la tenue du Congrès : « c’est un moment de victoire dans notre combat pour les droits d’auteur ». « Je veux vous faire part de notre plus grande solidarité avec les auteurs de Corée du Sud afin qu’ils obtiennent l’institutionnalisation et la reconnaissance de leurs droits », a-t-il ajouté avant d’évoquer avec optimisme les résultats obtenus en matière de droit d’auteur audiovisuel dans le monde.
Pendant la table ronde intitulée « La parole aux auteurs audiovisuels », Martijn Winkler de DDG (syndicat néerlandais de réalisateurs) a fait part de son expérience dans les négociations actuelles avec les plateformes de streaming et de son point de vue sur la place du réalisateur et du scénariste dans le milieu et l’industrie. « Nous avons une valeur économique et nous avons le droit de la défendre », a-t-il estimé. Danilo Šerbedžija, président de DHFR Croatie, a évoqué les possibilités de négociation des réalisateurs de son pays, ainsi que de leurs relations économiques avec les producteurs. Jasna Nanut, vice-présidente de DHFR, a parlé de la situation des femmes réalisatrices dans l’industrie de son pays et Hyujin Park de DGK a abordé la liberté de création actuelle dans l’audiovisuel coréen. Vianney Baudeu de LA SCAM a estimé que « la gestion collective est la meilleure manière de garantir la rémunération ».
Shahira Tajaddin, scénariste et membre du conseil exécutif d’AzDG, a fait un retour sur les vingt dernières années de gestion en matière de droit d’auteur audiovisuel et a expliqué quelques-unes des différences qui existent entre la législation d’Azerbaïdjan et celle des autres pays ainsi que le fonctionnement de sa société de gestion collective. « Nous avons pu rétablir la réputation des auteurs qui avait été mise à mal. Et cela nous rend très fiers », a-t-elle conclu.
Daniel Di Napoli, directeur informatique de DAC Argentine, a présenté de manière détaillée AVSYS, le système d’exploitation en open source distribué gratuitement à tous les membres d’AVACI. Ce système a été créé pour permettre la gestion conjointe du droit d’auteur par les sociétés de gestion. Lors de cette présentation, il a également effectué une démonstration en direct. Daniel Di Napoli et Horacio Maldonado ont répondu aux questions sur les utilisations possibles du système en fonction des besoins de chacune des sociétés de gestion utilisatrices.
Lors de la première table ronde du Comité juridique et technique d’AVACI, Gregor Stibernik, modérateur du débat et directeur exécutif d’AIPA (Slovénie), a insisté sur l’importance d’un travail conjoint et global entre les sociétés de gestion collective, les utilisateurs et les institutions. Il a également évoqué, entre autres sujets, les méthodes de perception des droits, la collaboration avec les sociétés d’autres pays et avec des musiciens et scénaristes, ainsi que les différences de critères entre pays dans la définition du statut de copaternité d’un film. Les avocates Adriana Saldarriaga (DASC-REDES Colombie) et María Laura Garateche (Argentores Argentine) ont parlé de la manière d’assurer une distribution adéquate des droits d’auteur en fonction des types de conventions et de contrats passés entre les auteurs audiovisuels et les grandes entreprises, ainsi que du suivi des registres des œuvres et de la diffusion.
Carmen Guarini, réalisatrice et vice-présidente de DAC, a présenté la table ronde « AVACI Genre » qui a porté sur l’inégalité entre les sexes dans l’industrie audiovisuelle. « Lorsque nous abordons le sujet de la place qu’occupent aujourd’hui les autrices dans le monde audiovisuel, il est inévitable de parler d’inégalité de genre », a déclaré Carmen Guarini. Sylvia Palma a évoqué la situation de l’industrie du cinéma au Brésil, un pays dans lequel, entre 1995 et 2018, 92 % des fonctions principales dans la production étaient occupées par des hommes. « Nous avons signé la charte pour la parité en 2001, mais nous sommes très loin de la parité », a déclaré Anja Unger, avant de mentionner d’autres initiatives françaises dans la lutte pour l’égalité femmes-hommes qui n’ont pas réussi à venir à bout du privilège dont jouissent les hommes dans le secteur. Dong Ryung-Kim, réalisatrice et membre du conseil de direction de DGK, a montré à l’aide de chiffres les différences entre les sexes qui existent actuellement dans l’industrie audiovisuelle coréenne. Elle a indiqué que plus le budget d’un film est important, plus le pourcentage de participation féminine est faible et a souligné le fait que le nombre de femmes ayant réalisé des films sans percevoir de rémunération représente le double du nombre d’hommes dans la même situation. « Il existe une inégalité structurelle dans l’industrie cinématographique », a-t-elle ajouté. Alexandra Cardona Restrepo a poursuivi : « ce que vous avez dit ne me surprend pas car nous vivons la même chose en Colombie » et a estimé que les chiffres concernant son pays étaient encore plus défavorables pour les femmes. La table ronde s’est terminée par une proposition de création d’un groupe de travail sur les questions de genre au sein d’AVACI.
Henrique de Freitas Lima, réalisateur, avocat et président de DBCA, a commencé sa présentation en déclarant que « le rêve d’avoir une entité qui puisse percevoir les droits au Brésil a pu devenir réalité grâce à DAC », faisant ainsi référence à la coopération internationale entre sociétés de gestion. Il a ensuite fait une rétrospective sur l’histoire récente de la législation relative au droit d’auteur audiovisuel dans son pays, et a expliqué quelle était la situation actuelle en matière de perception et de distribution, du point de vue de la loi comme de la pratique. Il a également indiqué que l’objectif actuel de son travail est que les utilisateurs « puissent payer sans que nous soyons obligés d’engager des procédures judiciaires qui peuvent durer plus de dix ans ».
Au cours de la deuxième table ronde du Comité juridique et technique, le sujet du développement des plateformes de contenus par streaming a été abordé, ainsi que leur impact sur la perception des droits par les sociétés de gestion et le danger que représentent les clauses buyout. « Je ne serais pas assis ici devant vous s’il n’existait pas un droit à rémunération bien établi au Chili », a déclaré Felipe Schuster, avocat et membre d’ATN. Au Chili, la loi Ricardo Larraín est en effet en vigueur depuis 2017. M. Schuster a expliqué que cette loi bénéficie aux producteurs car elle maintient leurs droits patrimoniaux sur les œuvres audiovisuelles, ce qui leur permet de les exploiter commercialement. La loi conduit en même temps les auteurs à réclamer la rémunération qui leur revient à d’autres acteurs, tels que les utilisateurs et les canaux de diffusion des œuvres. Il a ajouté que les plateformes OTT « sont l’avenir » mais que « le droit à rémunération fait également partie de cet avenir et accompagnera ces plateformes numériques ». Luis Mangiavillano a donné des chiffres sur la perception des droits par les plateformes à la demande et les objectifs en matière de perception pour les réalisateurs et scénaristes.
Le procès-verbal du premier congrès d’AVACI a été adopté à l’unanimité et une alliance entre REDES Colombia et APASER a été annoncée. La création d’un bureau d’AVACI en Slovénie, d’un bureau régional d’AVACI pour l’Asie situé dans les locaux de DGK et d’un centre régional latino-américain dont le siège sera en Colombie a également été approuvée. De plus, il a été décidé d’accorder à APASER le statut de bureau central d’AVACI pour l’Afrique, et la création d’un bureau régional d’AVACI pour l’Asie-Pacifique a été proposée à DGK. La prochaine réunion du Conseil exécutif d’AVACI, qui se tiendra à Ljubljana, en Slovénie, a également été définie.
L’union des auteurs audiovisuels et leur travail commun se sont concrétisés lors de ce congrès qui constitue indéniablement une réussite. Il s’agit d’une étape historique, fondamentale dans le combat des créateurs du monde entier pour la reconnaissance de leurs droits.